Anne Southam-Aulas a longtemps rêvé d’une autre vie. L’émancipation de la présidente d’Hôtels et Patrimoine est passée par l’équitation. Rencontre avec une entrepreneuse pur sang

L’enfance des patrons (3/5)
«Mon amour pour la pierre est héréditaire»
Anne Southam-Aulas a longtemps rêvé d’une autre vie
L’émancipation de la présidente d’Hôtels et Patrimoine est passée par l’équitation
Rencontre avec une entrepreneuse pur sang
Sa passion pour l’équitation a failli la perdre. A 17 ans, Anne Southam-Aulas a été victime d’un accident de cheval. «Il y avait des gravillons au sol. En glissant, la jument que je montais s’est emballée… Je ne me souviens de rien», témoigne la cofondatrice de l’association Genilem, qu’elle a quittée en 2002 pour donner naissance au groupe Hôtels et Patrimoine. Bilan: fracture du crâne et du coude. S’en est suivi un coma, trois semaines d’hospitalisation et six mois de convalescence, avec des premiers souvenirs trois jours après l’accident. «Le médecin qui m’avait prise en charge craignait que je ne perde mon œil gauche», se rappelle la cavalière.
Cet épisode interrompit ses études au Collège Calvin. La jeune Anne, alors en 2e année, était en échec scolaire. Elle décrochera finalement un baccalauréat français à travers les Cours Poncet. «J’ai beaucoup perdu la mémoire de mon enfance et de mon adolescence, je ne me rappelle par exemple plus certains visages», ajoute-t-elle.
Anne Southam-Aulas est née le 08 du 08 1964. «C’est une date arithmétique, facile à retenir», plaisante-t-elle en se tournant vers sa bibliothèque, où reposent de très nombreux livres et quelques albums d’enfance. Le récit de sa vie est copieusement documenté: les registres historiques de sa famille regorgent de photos. Dont celles passées en famille sur leur île privée de Skrøslingen, en Norvège. «Enfant, j’adorais être sur cette île, mais à Genève je rêvais d’une autre vie, dans un autre monde», confie celle qui entretenait une relation «compliquée» avec sa mère. «Nous ne partagions pas les mêmes valeurs. Contrairement à elle, j’étais convaincue qu’une femme pouvait faire carrière», souligne-t-elle.
Sur d’autres clichés, on distingue ses deux frères aînés. Les images, répertoriées par date, y sont légendées avec soin. On dirait des cartes postales, marquées par l’omniprésence de son amour pour le cheval. «Je crois avoir hérité cela, tout comme mon intérêt pour la pierre [l’immobilier], de mon grand-père maternel, que je n’ai pas connu, mais qui n’a jamais manqué un concours hippique de Genève», explique-t-elle. Sa grand-mère maternelle, elle, l’a quittée quand elle avait 3 ans. «C’était une femme de caractère, elle m’a transmis son tempérament», précise-t-elle.
D’autres traces du passé d’Anne Southam-Aulas refont surface: Petula, c’est le nom qu’elle a donné à son premier cochon d’Inde. Il y a eu ensuite le bouvier appenzellois Lady, son premier chien. «J’ai toujours été entourée d’animaux», résume l’entrepreneuse, qui, durant son jeune âge, habitait l’été à Anières, et l’hiver au cours des Bastions. Pour s’adonner à sa passion équestre, elle devait penduler six mois par année entre la ville et la campagne. «J’ai longtemps fait les trajets avec le vélomoteur maquillé de mon frère, un Push rouge», se rappelle-t-elle, avant d’être rattrapée par une courte amnésie. Les détails de son premier flirt? Envolés. Son souvenir le plus marquant du jardin d’enfants? Oublié. Anne Southam-Aulas observe un long silence… «Je reste en revanche marquée par l’achat de mon premier cheval, Nebila, une petite anglo-arabe nerveuse et qui ne savait pas faire grand-chose», lance-t-elle. Elle avait 14 ans lorsqu’elle se l’est offerte avec ses économies. «Mes parents ne connaissaient rien aux chevaux. Mon père, champion universitaire de saut à skis, nous a transmis l’amour de la montagne et le sens de la compétition», ajoute celle pour qui la plus belle conquête de l’homme est davantage qu’un loisir ou un sport. «C’est l’incarnation de la liberté», souligne-t-elle.
Quel genre d’élève était la présidente d’Hôtels et Patrimoine? «J’ai adoré fréquenter l’Externat catholique des Glacis. C’était une petite structure, gérée comme une famille, avec une pédagogie axée sur l’orthographe et le vocabulaire», témoigne-t-elle. Expérience structurante. «Ce que j’ai appris dans cette école primaire m’a servi toute ma vie», reconnaît celle qui garde un souvenir ému de Mlle Rossiaud, la fondatrice de l’établissement. «Par sa bienveillance, elle est restée une figure mythique», relève-t-elle. Les matières préférées d’Anne Southam-Aulas: le français et la philosophie. «J’aurais pu être journaliste», estime celle qui, dès l’âge de 15 ans, a écrit pour Panache, une revue mensuelle dédiée à l’hippisme.
Au collège, Anne Southam-Aulas appréciait l’étude des textes anciens, mais détestait la chimie et la physique. «J’étais pourtant en branche scientifique. Mais même avec un père qui avait fait des études d’ingénieur en électronique, je n’y comprenais rien. Sans doute parce que je montais jusqu’à deux chevaux par jour et que je ne travaillais pas assez», relativise-t-elle.
«Je venais d’une famille assez traditionnelle, où on estimait de toute manière qu’une fille n’avait pas nécessairement besoin de faire des études», reprend celle qui a préféré s’entêter. Conséquence: elle a accompli un parcours universitaire en économie.
En guise de conclusion, Anne Southam-Aulas évoque son père norvégien: «Finalement, c’est aussi lui qui m’a transmis la passion pour la création d’entreprise. Il était l’un des premiers venture capitalists de Suisse.»
Publié le 19 août 2014